Une fin tragique
Notre escale à Hué fut express. Juste le temps de digérer nos cinq heures de bus au klaxon, de visiter la cité impériale, pâle reflet d’une splendeur chinoise passée, et d’embarquer dans notre dernier sleeping bus en direction de la capitale. Ce n’est que 17 heures plus tard, fatigués et affamés, que nous arrivons. Le choc est rude ! Nous avons perdu 15°C et la bruine ambiante finit de nous glacer. La chambre qui nous attend est spacieuse (chouette), mais il fait aussi froid qu’à l’extérieur ! Hanoï nous surprend ! Nous logeons dans le vieux quartier où chaque rue à sa spécificité (rue des bambous, des ferrailleurs, des articles de fêtes, etc.), tel un immense supermarché à ciel ouvert. Bien que foisonnante de vie, cette ville nous semble morne et figée, à l’opposée de Saigon, moderne et vibrante. Nous déambulons de quartiers en ruelles pour rejoindre un lieu paisible et apaisant : le temple de la littérature. C’est ici que nous retrouvons l’énergie et la sagesse de Confucius. L’architecture de ce temple n’est pas sans nous rappeler la beauté des temples chinois. Des stèles de pierre gravées sont portées par des tortues, symbole immuable de longévité. Nous aimons ces lieux où spiritualité et connaissance s’entremêlent pour accompagner l’être vers plus de sagesse.
Le Vietnam peut certainement se vivre et se découvrir avec une curiosité culturelle débordante, mais après plus de 4 mois en Asie notre étonnement est moindre. Nous retrouvons des habitudes françaises (signalisation des rues, petites baguettes et cafés, bornes kilométriques,…), une influence chinoise marquée, un fond asiatique et la rigidité du communisme. L’architecture est coloniale, chinoise ou aléatoire, en dehors des maisons tubes peu larges et très longues qui marquent les paysages vietnamiens. Le soir venu, les cantines de rues s’installent sur les trottoirs où les clients s’assoient sur de petits tabourets en plastique pour enfants pour déguster une cuisine locale. Encombrement minimal pour restaurant démontable !
Une fenêtre météorologique semble propice pour notre excursion dans la baie d’Along. Quelques rayons de soleil sont annoncés, aussi nous engageons nous dans le nuage de pollution qui accueille les visiteurs de ce qui est pourtant considéré depuis 2011 comme une des 7 nouvelles merveilles du monde. Ce qui n’empêche pas de la maltraiter en surchargeant la baie de bateaux miteux crachant une épaisse fumée noire dans l’anarchie. La belle jonque romantique qui déploie ses voiles a définitivement rendu l’âme… Dommage. Les pirates, maîtres des lieux au XVIIIe siècle, ont finalement cédé la place aux touristes du monde entier. Nous embarquons donc sur une jonque en compagnie d’Américains, Suédois, Japonais, Danois, Polonais, Colombiens, Italiens, Gallois et Anglais pour une excursion de trois jours dans la baie d’Along.
Il faut en effet s’engager plus avant dans le golfe du Tonkin pour se laisser prendre par la magie du lieu. Près de 2000 îles karstiques semblent surgir d’une eau turquoise aux reflets laiteux, façonnées par une mythique queue de dragon. Rochers en équilibre, plages, arches creusés dans le roc, chaque île a sa taille et sa spécificité. Des aigles survolent avec majesté l’ombre des rochers qui se dressent à l’horizon dans la brume. Malgré l’absence de soleil et le froid, la beauté du site créée un effet saisissant. Une petite balade en kayaks biplaces sera l’occasion de découvrir sous un autre angle cette merveille géologique. Les grosses vagues créées par les bateaux qui foncent sans se soucier de nos frêles embarcations amusent les enfants et inquiètent les parents. Un kayak se fait renverser et les malheureux sont recueillis par une barque de pêcheurs. Sécurité, organisation et préservation de l’environnement ne sont pas au programme d’une exploitation intensive du potentiel financier du site.
Nous visitons une grotte dont la chambre principale peut contenir près de 10 000 personnes et connue pour sa stalagmite en forme de pénis. Une descente acrobatique de bateau nous permet ensuite de rejoindre une île où une petite bande de singes nous accueille sur la plage. Nous passons la nuit sur notre jonque et profitons d’un petit-déj au cœur de la baie d’Along, ce qui constitue un spot plutôt cool pour souhaiter un joyeux anniversaire à Titouan qui fête ses huit ans aujourd’hui ! Le meilleur moment sera notre balade en vélo dans le parc national de Cat Ba, une des plus grandes îles de la baie. Nous déambulons dans ces paysages grandioses pour rejoindre le village de Viet Hai qui semble avoir été oublié par la roue du temps. Une paysanne y laboure son champ avec une charrue tirée par un buffle d’eau près des maisons de terre et de bois.
En repartant, nous traversons un village flottant d’environ 1600 âmes vivant dans de petites constructions en bois, profitant des eaux poissonneuses et abritées des typhons. La vie semble rude pour ces pêcheurs dont certains naviguent à la rame pour travailler ou emmener les enfants à l’école. Des chiens de toutes sortes sont nombreux à se frayer un chemin sur les minces planches qui entourent les maisons. Nous qui croyions être débarrassés des chiens errants au Vietnam où ils ont la réputation d’être servis chauds, nous en croisons autant que dans le reste de l’Asie. Seule leur fin semble plus tragique.
La fin de notre escapade le sera également. Seul Estéban reste vaillant dans la tempête alors que le reste de la troupe se vide et se tord, assommé de fatigue et victime d’on ne sait quel mal dévastateur. L’hygiène douteuse, le froid perçant, la nourriture ? Notre retour vers Hanoi (4 heures de bateau et 4 heures de bus) se passe tant bien que mal. Nous essayons alors d’avancer notre départ vers l’Australie, mais sans succès. Notre périple en Asie s’achève et nous sommes désormais capables de traverser sans problèmes une deux fois cinq voies de scooters. Quel talent ! Nos regards se tournent désormais vers l’Océanie où nous passerons les deux prochains mois (Australie, Nouvelle-Zélande et Polynésie). Plein de nouvelles découvertes en perspectives…