Le Pantanal
Il y a toujours une bonne raison de mal dormir dans un bus de nuit, le froid, le bruit, les lumières, les sièges, etc. Sans vidéo et lumières éteintes, celui qui nous mène de Foz do Iguaçu à Campo Grande aurait pu être sympa sans les arrêts répétés dans toutes les villes du parcours et des passagers parlant fort comme si le bus n’était pas rempli de gens rêvant de dormir. Arrivés à Campo Grande, nous trouvons un tour pour nous aventurer dans le Pantanal, vaste zone marécageuse réunissant la faune et la flore variées des forêts atlantiques et de l’Amazonie. C’est la plus grande zone humide de la planète et le refuge de nombreux jaguars, anacondas, piranhas, tapirs, jabirus, etc. Peu accessible, fréquemment inondé, cet endroit est pourtant un des écosystèmes les plus denses de la Terre. Le vol de quelques toucans et perroquets au-dessus de la ville ainsi que la présence d’une petite chouette aux abords du supermarché « carrefour » résonnent comme la promesse de belles rencontres.
Une fourgonnette nous conduit de Campo Grande au lieu-dit Buraco das Piranhas en 5 heures de route, à travers une vaste plaine. De là nous entrons au Pantanal par la porte sud dans un pick-up aménagé avec des sièges dans la benne. Il s’engage sur un chemin de terre, unique voie d’accès au sein de cette nature unique et gorgée de vie. Dès le premier pont en bois, nous plongeons dans l’ambiance avec un groupe de caïmans qui dore au soleil, certains laissant leur gueule ouverte sur une dentition des plus engageantes. Autour de nous, de nombreux oiseaux, certains bien identifiables comme les hérons, les faucons ou les perroquets, d’autres complètement inconnus, aux allures bizarres. Une vingtaine de ponts plus loin, deux grands toucans avec leur grand bec orange vif viennent se poser sur un arbre en bordure de chemin.
Seule une petite partie du Pantanal est une réserve classée au Patrimoine mondial, le reste abrite des activités humaines, notamment d’élevage. Sur une rivière, il y a également un petit village flottant. Autant dire que vivre ici, c’est apprivoiser la solitude. Plus loin nous voyons des capybaras, sortes de marmottes de la taille d’un cochon. L’un d’entre eux plonge à ce moment dans l’eau pour ne laisser remonter que son museau un peu plus loin. Des macaos et des chevaux qui se baignent nous mènent jusqu’au couché du soleil qui embrase l’horizon de cette plaine inondée. Nous arrivons après 3 heures de pick-up et 65 ponts au bout du chemin, sous une voute étoilée de toute splendeur, et au rythme des lucioles. Nous chargeons nos sacs dans un bateau qui traverse la rivière à la lampe torche pour arriver enfin dans notre auberge. Un repas sommaire, une douche, et au lit.
Le lever de soleil sur le Rio Paraguay est sublime. Les arbres se reflètent sur les eaux bercées des premières lueurs matinales colorées. De nombreuses touffes de végétation suivent le courant ; et les enfants de s’écrier « oh ! Les îles se déplacent » ! Nous partons ensuite pour une ballade à pied en compagnie de deux retraités néozélandais et d’un guide à moitié stone dont le rôle principal est de nous faire traverser la rivière. Si Cathy se met à distribuer des baffes à toute la famille, ce n’est pas qu’elle souffre de démence, mais qu’elle est en guère contre les moustiques. Si leurs rangs subissent de lourdes pertes, le nombre fait la force de cette armée parfaitement entrainée à saigner le touriste. C’est le prix à payer pour explorer ces marais verdoyants.
Il ne se passe pas une minute dans le Pantanal sans que le regard ne soit capté par une sorte d’oiseau ou une autre tant les volatiles abondent. Faucons, perroquets verts, Paroare à bec jaune (et à la tête rouge, un des personnages du film Rio), aigrettes, vautours, aras rouges, et les inoubliables grands toucans ne sont que quelques illustres représentants d’une avifaune incroyable. L’après-midi, nous parcourons les canaux en bateau. Une légère pluie ouvrira les portes d’un arc-en-ciel sur un ciel d’une variété rare. Nous voyons la pluie s’abattre au loin et à 360° semblent se déployer toutes les nuances entre ciel bleu et nuages blancs, noirs ou gris. Les arbres éclairés par le soleil sur fond de nuages sombrent créent une atmosphère irréelle, quasi chimérique. La promenade est apaisante, mais Jaguars, fourmiliers et tapirs restent bien cachés.
Le lendemain, nous prenons les 65 ponts en sens inverse, ravis par les nombreux martins-pêcheurs, bien plus beaux que nous le soupçonnions. Une randonnée est proposée, mais inaccessible aux enfants. Cathy, déjà bien affaiblie par les moustiques, se porte volontaire pour rester avec eux, évitant ainsi de marcher dans la savane avec de l’eau jusqu’aux genoux au milieu des caïmans et piranhas, des moustiques et des fourmis rouges. Hormis quelques singes et deux beaux aras rouges, la promenade n’apporte guère de nouveauté. Elle permet toutefois d’observer des ficus étrangleurs, qui entourent le tronc de palmiers jusqu’à les asphyxier complètement. Nous reprenons finalement la jeep, croisons d’autres caïmans, un jabiru (énorme oiseau blanc, noir et rouge d’1,2 mètre de haut et 2,6 mètres d’envergure ; symbole du Pantanal) et une biche, avant de rejoindre en bus la ville de Bonito, plus au sud.