Vibrations
De retour à Cusco. Le plaisir de déambuler dans les rues pavées chargées d’histoire est intact. C’est l’occasion aussi de remplacer quelques habits trop usés, avec l’avantage certain de ne pas avoir d’ourlets à faire ou de chercher dans le rayon 2 ans pour les enfants. Les hommes font ici une taille raisonnable ! Les magasins, une fois passés les standards touristiques, révèlent un artisanat diversifié et de qualité.
Un public nombreux est rassemblé sur les marches de la « plaza de armas ». Au son des quenas et guitares jouées en live, des groupes locaux dansent sur la route, présentant des pans du folklore péruvien dans un festival de couleurs. Les costumes traditionnels présentent une variété impressionnante alors que les danseurs miment des scènes de vie quotidienne, principalement. Le jour suivant, ce sont les écoles qui font une démonstration de force sur cette même place, dans un style quasi militaire, exposant leurs uniformes et capacité à marcher au pas. Heureusement, les maladresses enfantines atténuent l’horreur de la situation. Par ailleurs, les écoliers sont nombreux à circuler dans la ville avec une bonne humeur certaine et un penchant pour les glaces à l’eau.
L’avantage de rester plus longtemps que nécessaire dans une ville est de sentir peu à peu les vibrations plus profondes de la vie locale, son rythme et ses habitudes. Pour mieux appréhender ce présent, nous plongeons aussi dans les profondeurs de cette culture si particulière en visitant quelques musées. Le musée d’art précolombien, quoique petit, est un modèle du genre avec ses vitrines soignées et ses textes de présentations confinant avec la haute littérature. Les collections les plus anciennes nous attirent et flattent notre goût pour l’art souvent qualifié de primitif, mais si proche de l’essentiel. Les diverses cultures ayant façonné le Pérou avant le règne inca dévoilent leur originalité et leur talent à travers leurs céramiques, leurs bijoux et ornements. Le musée Inka permet de voyager un instant à la rencontre des Incas dont quelques momies en position de fœtus effraient les enfants. Il faut dire que les maisons hantées n’ont qu’à se rhabiller.
Voici en quelques mots ce qu’il convient d’appeler l’épisode de la fontaine. Je propose à Titouan une petite séance de lecture sur la place San Blas, pour gouter au plaisir de lire sur un banc alors que la vie de la ville vibre alentour, quand se mélangent les bruits des conversations avec celui de la fontaine et de la musique péruvienne des marchands de souvenirs. Tout à coup, relevant la tête, nous apercevons juste devant nous une dame âgée nue dans la fontaine, joignant les mains dans un geste de prière plusieurs fois avant de plonger entièrement dans l’eau. Elle recommence plusieurs fois cette séquence, puis l’arrivée de deux policiers l’incite à sortir de l’eau et à se rhabiller. Quand on dit que les jeunes femmes devraient suivre l’exemple de leurs aînées !
Après avoir trouvé le lieu de départ des « collectivos » (bus) pour Pisac, nous gravissons un col pour passer dans la vallée suivante. Les paysages sont sublimes quand la vallée se dessine au fond de la gorge, tandis que le bus longe un ravin impressionnant. Le marché est trop touristique à notre goût, alors nous nous perdons dans les ruelles où un sac rouge pendu au bout d’un bâton signale la présence d’un magasin, ou d’un bar. Jetant un œil distrait en passant, s’ouvre derrière le pas de la porte un paysage d’un autre temps, des murs en adobe défraichis, le sacré cœur de Jésus, et des femmes au chapeau buvant de la chicha (bière de maïs). Sur la place principale, un arbre à barbe offre une ombre bienvenue aux femmes qui tiennent leur stand. L’une d’entre elles écoute sur un miniposte Bryan Adams, toujours présent, mais chantant cette fois-ci en Espagnol. Au retour, nous demandons au bus de nous lâcher à Tombomachay pour faire les 7 derniers kilomètres à pied. En coupant à travers champs, la balade passe par quelques petits hameaux où Bob l’éponge fait une apparition furtive avant de retourner à sa fête.
Ce samedi soir, sur la place San Blas, un mariage est célébré. Sur le perron de l’église, les mariés sont entourés de leurs proches et de 6 musiciens mexicains, portant le costume et de larges sombreros. Au son des guitares et des trompettes à la sonorité cristallines, les couples dansent. L’atmosphère est légère, malgré le froid qui tombe sur la ville comme chaque soir au retrait du soleil. Au matin, les artisans s’installeront. En attendant, les coccinelles viennent se garer là, comme s’il s’agissait du lieu de rendez-vous des modèles anciens qui déambulent avec tout leur charme dans les rues étroites de Cusco. Il faut dire que cette voiture va bien avec cette ville aux accents passés où de nombreux cireurs de chaussures sont encore en activité.
Cette « ciudad impériale » nous aura séduits autant que ces habitants. Cusco est charmeuse et compense sa faiblesse en oxygène par une énergie revitalisante. On nous dit qu’ici on perd 10% de ses capacités physiques, mais l’impression d’être pleinement présent à soi nourrit une tranquillité intérieure propice à la sérénité. Le souffle court, la pensée s’envole, plus légère. Les Incas adoraient le soleil et la lune et leur vouaient un culte absolu ; Inti et Marna Quilla vibreraient-ils toujours à Cusco ?