L'oasis
Continuant notre descente vers le sud, nous arrivons à Ica, ville sans intérêt où se bousculent les tuk-tuks dans les bruits de klaxons. Après quelques courses, nous prenons un taxi ayant plus d’une dizaine de tours du monde au compteur. Malgré la carlingue abîmée et le savoir-faire nécessaire pour ouvrir les portières, de tels vétérans du voyage forcent le respect. Un moteur, des roues et un volant, voilà qui est suffisant pour couvrir les cinq kilomètres qui nous séparent encore de Huacachina, une oasis dans un désert de dunes. Autour d’un petit lac, quelques habitations et des palmiers, puis du sable à perte de vue.
Le tour de l’oasis est vite fait, d’autant que les lieux n’ont pas été pensés pour être beaux. Nous grimpons alors sur les dunes, bénéficiant ainsi d’une vue d’ensemble et du plaisir de marcher dans un sable souple qui absorbe le pied à chaque pas. La sensation serait géniale sans les détritus qui jonchent le sol et les sacs plastiques dont l’ombre s’inscrit sur les dunes à la faveur d’un soleil de plomb. Les enfants escaladent toujours plus haut pour le plaisir de descendre en courant sur les pentes raides. Mais au passage, Estéban marche sur un cul de bouteille cassée et s’ouvre bien le pied. Le sang coule sur le pantalon de Cathy qui le porte jusqu’à l’auberge avant de jouer les infirmières avec brio pour soigner son petit. La coupure est large, mais peu profonde. On se passera des points de suture. En revanche, on ne comprend pas comment les Péruviens font pour faire d’un lieu aussi magique une décharge publique peuplée de constructions sans âme. D’autres soucis, peut-être.
La journée suivante se passe tranquillement, travail scolaire et autre dans l’attente du tour en buggy dans le désert prévu à 16h00. Et là, dès que le moteur s’allume avec un ronronnement de voiture de course, l’aventure commence. La machine qui nous porte a une gueule d’enfer avec son moteur apparent, ses grosses roues et l’absence de portes. De gros tubes en métal en assurent la rigidité, comme dans les voitures de rallye. Une fois nos grosses lunettes sur le nez, l’engin, avec Jésus aux commandes, s’élance dans les dunes avec puissance. Les cheveux aux vents nous partons pour la plus fun de nos escapades. Le sable défile, l’engin grimpe, ralentit pour passer la crête avant de s’engouffrer dans une pente à 80% avec l’aisance d’une montagne russe et des sensations équivalentes.
Arrivés en haut d’une dune, tout le monde descend et on sort les surfs. Titouan descend seul et Estéban monte sur mon dos. La descente s’effectue couché sur le surf des sables, après application de la cire. Après les ronds d’essais sur une dune raisonnable, nous nous élançons pour une glisse d’une centaine de mètres avec un départ quasi à la verticale. Au fil des chevauchées à travers les dunes et des séances de surf, le soleil poursuit sa course inexorable vers son couchant, teintant les paysages grandioses, où les dunes se perdent à l’horizon, de teintes plus nuancées. Les enfants vivent une expérience inoubliable et leurs éclats de joie dessinent dans le sable les traces du bonheur tout simple de crapahuter dans le sable.
Le lendemain soir, nous avons rendez-vous avec le bus de 18 heures pour rallier l’extrême sud du Pérou. Nous traversons des paysages grandioses où alternent canyons et vallées, avec la nette omniprésence d’un désert aride où rien ne pousse, s’illuminant avec les premiers rayons du soleil. La couleur rougeâtre du désert laisse l’impression de fouler le sol de la planète Mars en compagnie des rovers Spirit et Opportunity. Après 17 heures de bus, nous arrivons à Tacna, dernier point avant la frontière chilienne. Sans nous attarder dans la gare routière, nous enchainons avec un bus local qui nous conduira de l’autre côté de la frontière, à Arica, au Chili.