Prambanan
Si de nombreuses personnes se masquent le visage, ce n’est pas pour des raisons religieuses ou en vue d’un quelconque larcin, mais pour se protéger de la pollution. D’épaisses fumées noires s’échappent des bus d’une autre époque qui se disputent la rue aux motocyclettes qui déambulent par vagues dans les rues saturées de bruit et de gaz d’échappement. Yogyakarta n’est pas vraiment une ville agréable, même si on peut lui trouver quelques charmes propres aux villes asiatiques.
La ballade urbaine est éreintante, l’absence de trottoirs ou leur encombrement par les magasins qui débordent obligeant à de multiples circonvolutions, dans un pays où la surpopulation constitue un des problèmes majeurs. Elle nous permet toutefois d’entrevoir la ville où les petits étalages se succèdent. Les bâtiments semblent avoir été construits les uns à côté des autres au fil de l'espace disponible, et la rue présente surtout le visage d’innombrables enseignes qui se disputent le regard des passants. Le nombre de magasins de cycles est impressionnant, dans ce pays où le deux-roues règne en maître. Si certaines échoppes sont bien fournies, de petits vendeurs proposent simplement quelques bouteilles d’essence. L’alimentation est au cœur de la bataille, une simple toile tendue en l’air suffisant à délimiter un restaurant, nommé « Warung » , partageant ses clients avec les comptoirs ambulants.
Les petits boulots sont ici omniprésents. Dans le « trans-Jogja », sorte de bus déguisé en métro, à chaque arrêt il y a au moins deux vendeurs de tickets. Dans le bus, outre le chauffeur, un homme, plutôt jeune en général, remplace à lui tout seul les voix enregistrées annonçant les stations, les plans de ligne clignotants, le système d’ouverture automatique des portes et de surveillance vidéo. Il est aussi celui qui conseille, aiguille et aide les enfants, les vieux et les aveugles à franchir le large espace entre le « quai » surélevé et le bus qui s’en approche du mieux possible. Le billet coûte 25 cts. C’est ce mode de transport, avec deux changements de bus, que nous choisirons pour rejoindre le site du temple hindouiste du Xème siècle : Prambanan.
À l’arrivée, nous nous dirigeons vers un guichet d’où nous sommes refoulés. En effet, c’est le guichet pour les locaux. Pour les étrangers, le tarif est multiplié par 5 (16 $), mais est situé dans une pièce climatisée. Café, thé ou eau sont offerts aux visiteurs qui doivent ensuite revêtir un sarong avant de pénétrer dans l’ancien lieu saint. Nous nous engageons dans un parc arboré qui ne laisse entrevoir que quelques bribes de sommets discrets nous permettant seulement de nous orienter. Au détour d’une allée, nous tombons sous le charme. Prambanan se révèle à nous dans sa magnificence. Quelques mètres nous séparent des premières marches, mais déjà la quiétude du site se fait sentir. Le visiteur est rare et discret.
Nous entrons presque religieusement sur ce lieu de culte, reconnu patrimoine mondial par l’Unesco depuis 1991, qui nous révèle une histoire dont nous ne connaissons rien. Admiratif des bas reliefs sculptés avec art et dévotion, nous essayons d’effleurer cet hindouisme si confus à nos yeux, mais pourtant si fascinant. Ce lieu, plus grand temple hindouiste de l’Asie du Sud-est nous fait languir notre prochaine étape… l’Inde. Prambanan reste également le seul lieu de pèlerinage de l’Indonésie reconnu par les hindous. En effet, il est le dernier lieu sacré où l’on trouve encore les statues des divinités à l’intérieur de chaque tour. Ce temple, dédié à Vishnou, Shiva et Bramah, nous offre une parenthèse silencieuse, spirituelle et apaisante dans notre quotidien au cœur de Jogja la bruyante. Sur le site, nous pouvons entendre des cloches discrètes à la sonorité ronde qui nous ferait presque oublier le chant du muezzin.