La colère de la Terre
Après un nouveau bain dans les piscines
d’eau chaude, nous remontons plus au nord la ligne de faille qui traverse l’île du Nord, créant sur son passage des paysages étonnants. Les phénomènes volcaniques y prennent des formes diversifiées et colorées. Notre prochaine étape est un lieu nommé Orakei Korako. Au bord d’un fleuve qu’il faut traverser en bateau, s’étend un site d’activités géothermiques commençant par une terrasse de silice se jetant dans l’eau et épaisse par endroits de 20 mètres. La lumière du soleil accentue les reflets blancs et cuivrés de cette roche nimbée de vapeur où ruissellent quotidiennement 20 millions de litres d’eau chaude.
Le reste est difficile à décrire tant prédomine le sentiment de se retrouver sur Saturne. 
Geysers, fumerolles, lacs acides, cascades de roches, ruisseaux sulfuriques, bassins de boue, grottes, cratères ; le tout dans d’innombrables nuances de bleus, de roses, de verts, de jaunes, d’oranges, de blancs et de bruns, au cœur d’une forêt verdoyante de fougères arborescentes. Un sentier aménagé permet de circuler sans se bruler dans cette zone particulièrement instable où chaque détour confronte le regard à de nouvelles merveilles, créées par une nature furieuse et sûre de ses droits. C’est un concentré de paysages volcaniques qui se déploie sous nos pas enchantés.
Nous reprenons la route avant de nous 
arrêter en chemin dans un camping au milieu de nulle part. Celui-ci est traversé par une rivière d’eau chaude, naturellement à 40 °C, dans un décor de verdure, où de petites piscines ont été aménagées. Mais l’ensemble n’est pas si enchanteur que cela, car les installations vieillissantes et les insectes qui flottent ôtent une part du rêve. Malgré tout, cette étape nous rapproche de Wai-O-Tapu, le site géothermique le plus spectaculaire où domine la « piscine de Champagne », nom évocateur de sa couleur et des petites bulles qui pétillent en surface. Le mélange et l’harmonie des couleurs atteignent ici des sommets. L’orange vif côtoie le bleu vaporeux, le rose s’invite au cœur du brun tandis 
que de petites flaques jaunes et vertes fluo dansent à proximité. Les couleurs signent la présence de différents minéraux ou d’algues adaptées aux températures voisinant les 75 °C, température atteinte après refroidissement de la source qui alimente le lac, jaillissant à 230 °C. Malgré la présence d’or et d’argent dans la composition des eaux, on n’a guère envie de plonger dans ce composé d’antimoine, de soufre, de dioxyde de carbone, de mercure et d’arsenic, au pH alcalin. Mais le plus terrifiant et le plus mortel créée ici une beauté enivrante, recouverte d’une nuée de vapeurs de soufre qui danse au gré des vents, laissant se refléter par endroits les nuages et les arbres de la forêt voisine. Certainement un des plus beaux sites au monde !
Mais le site recèle encore de nombreuses manifestations de la colère de la terre aux noms évocateurs : la maison, le bain ou les encriers du diable, cratères aux dépôts de graphite et de pétrole ; le cratère du tonnerre et ses eaux bouillonnantes ; le lac vert qui porte bien son nom ; les tertres de soufre ; la poêle à frire ou la palette de l’artiste… sans oublier la boue qui bout, fumeroles et geysers.
Plus au nord, nous abordons la ville de Roturoa et son odeur d’œuf pourri, plus ou moins forte selon les moments. Comme beaucoup de villes en Nouvelle-Zélande, elle ne présente aucun attrait particulier en dehors de la nature qui l’entoure. Les botanistes de la fin du XIXe siècle ont tenté de faire pousser ici de nombreuses espèces d’arbre. Le séquoia s’étant bien adapté, il reste aujourd’hui une magnifique forêt de ces géants aux troncs rougeâtres et de belles ballades dans cet environnement apaisant.
Nous trouvons une auberge de jeunesse au même prix que le camping et nous en profitons pour soulager nos dos meurtris par nos matelas gonflables endormant sur de vrais lits. Roturoa sera aussi l’occasion d’un moment de fun en testant les descentes de collines sur des luges conçues et fabriquées sur place pour dévaler les pentes sur une piste en béton. Tour en hélico, parachute, saut à l’élastique, rafting, etc., il y a en Nouvelle-Zélande toutes les activités possibles et imaginables, et de quoi vider son compte en banque par la même occasion ! Nous nous contentons d’une bonne balade pour explorer quelques-uns des 16 lacs qui entourent la ville, avant de reprendre la route vers la « Bay of plenty », la baie d’abondance telle que l’a nommé James Cook.
