Dauphins à l'horizon
Whangarei est notre prochaine destination et la route qui nous y conduit rivalise de points de vue magnifiques, où se mêlent alpages montagneux, piquetés de vaches et moutons, et océan tumultueux aux eaux profondes. Sitôt arrivés, nous prenons le chemin des Whangarei Falls. Ces chutes d’eau, peu abondantes, se jettent de 26 mètres dans un lac paisible. Les plus nordistes des visiteurs et les autochtones se baignent et rejoignent la base de la cascade où des blocs de roches rectangulaires traduisent une activité géologique des plus surprenantes. La fraîcheur du lieu annonce une végétation luxuriante où un chemin emprunte les bords de la rivière pour nous conduire plus avant prés des Kauris. Comme à notre habitude, nous partons en fin d’après-midi randonner au milieu de la forêt, à la recherche des ces arbres géants et emblématiques du nord de la Nouvelle-Zélande. Après une heure de marche, nous empruntons enfin un canopy walk où les majestueux végétaux osent se dévoiler. Certains de ses arbres peuvent avoir plusieurs millénaires et mesurer plus de 60 mètres. Le plus vieux Kauri rencontré ce jour aura 500 ans et un diamètre d’environ 2 mètres (mesuré grâce à l’empan de Titouan !). Le jour déclinant, Manu fera son footing trimestriel afin de venir nous récupérer en voiture !
Les garçons sont couchés quand arrive au camping une voiture de course fermement arrimée dans une remorque. Telle « Flash Mc Queen » dans le célèbre film Pixar, le bolide attend le lendemain la finale des championnats de Nouvelle-Zélande de stock-car sur le speedway boueux de Whangarei. Nos voisins sont les favoris et le challenge est élevé. C’est la dernière course de la saison et si la victoire est au rendez-vous, ils seront champions. Je vous laisse imaginer l’excitation des garçons au réveil. La course démarre à 13 heures ce qui nous laisse le temps de faire les apprentis spéléologues dans les Abbeys caves où quelques vers luisants scintillent. Les enfants n’étant pas rassurés dans cette obscurité profonde, nous ne franchirons pas les 250 mètres de la grotte et nous limiterons à son entrée.
À peine arrivés sur le parking, le vrombissement des moteurs se fait entendre. Des bolides d’un autre monde aux roues surdimensionnées rivalisent de dérapages, bousculades, tête-à-queue et sorties de pistes, parfois les roues tournées vers le soleil, pour les plus malchanceux. Nos voisins gagnent et offrent aux enfants un drapeau à damier. Que du bonheur pour Titouan et Estéban, fascinés par ces courses endiablées de voitures, karts et autres quads ! Petite frayeur cependant pour l’appareil photo dont le zoom supporte mal la poussière et qui aura besoin de quelques soins pour reprendre du service.
En route vers Paihia, où nous espérons voir des dauphins, un stop s’impose à Kawakawa où l’architecte Hundertwasser a laissé sa marque en dessinant les toilettes publiques. On devrait confier plus souvent aux artistes le soin de concevoir ces lieux d’aisance trop souvent négligés. Détails de formes, de couleurs, de matériaux, la visite est grandiose ; du moins jusqu’à l’arrivée d’un car de touristes utilisant ces lieux dans leur fonction première. L’animateur de la petite fête du village a le visage entièrement tatoué, signe du statut social dans la tradition maori. Bien que moins fréquent sur le visage lui-même, le tatouage est bien installé dans la société néozélandaise, voire complètement banal. Si cette société reconnait trois langues officielles (l’anglais, le maori et la langue des signes), les populations d’origine maorie et anglaise ne semblent pas coller à l’idéal annoncé d’une société mêlant harmonieusement les deux traditions. La tradition maorie est quelque peu folklorisée à l’attention des touristes alors que les Maoris paraissent plus déclassés socialement, dans ce qui ressemble plus à une cohabitation, sans mélange des genres.
Les Français n’ont guère laissé de traces en Nouvelle-Zélande en dehors de la récente épave du « Rainbow warrior », le navire de Greenpeace coulé par les services secrets français, faisant un mort au passage, et qui gît maintenant au large de Cavalli Island. L’ignominie de ce sabotage n’a d’égal que sa stupidité et ne rehausse pas l’image de la France, détruisant à l’époque les récifs du pacifique à coup d’essais nucléaires, alors que la Nouvelle-Zélande refuse toute utilisation du nucléaire sur son territoire.
C’est du port de Paihia que nous embarquons sur un bateau prévu pour l’observation des dauphins. Ils sont plusieurs centaines à venir se nourrir quotidiennement dans les eaux riches de « Bay of Islands » où 144 îles bordent la côte ainsi nommée par le capitaine Cook. Cet ancien repère de baleiniers, aussi dépourvus de scrupules que les navires japonais aujourd’hui poursuivis par les « sea shepherds », est devenu une station balnéaire paisible. Nous profitons du soleil à l’avant du bateau tandis qu’il navigue dans la baie entre les îles, à la recherche des mammifères marins les plus attachants qui soient. Un premier groupe finit par être localisé. Ils sont 6 ou 7, à batifoler dans les eaux claires, sans toutefois se livrer à de nombreux sauts. Les enfants sont surpris par leur grande taille alors qu’ils passent à quelques mètres du vaisseau. Nous aurons l’occasion de suivre ainsi plusieurs groupes, sans jamais nous lasser de scruter leurs silhouettes tandis qu’ils glissent dans l’eau avec une aisance remarquable.