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Arrivés à l’aéroport de Delhi vers 22 h, la personne censée nous attendre n’étant pas là, nous prenons un taxi prépayé, une « belle » voiture des années 60, pour rejoindre le centre. Nous roulons au milieu de camions plus étonnants les uns que les autres se ruant vers la capitale à la faveur de leur autorisation nocturne de circulation. À l’arrivée, après moult circonvolutions dans le quartier pour localiser l’hôtel, nous rencontrons le manager, complètement à l’ouest, souffrant de la dengue et bafouillant sur le « free airport pick-up ». Il n’y a plus de chambres et nous sommes relogés un peu plus loin. Peu importe, il est minuit passé et il est temps de dormir.
Le petit matin laisse entrevoir quelques images de Karol Bagh, quartier de l’Old Delhi où nous logeons. Un marchand de lait et ses clients venant avec leur pot en aluminium, une Royal Enfield (moto des années 50 toujours produite en Inde à l’ancienne) témoignent chacun à leurfaçon d’une présence anglaise ayant perduré jusqu’à l’indépendance acquise en 1947, notamment grâce à Gandhi. Des enfants en uniforme sont agglutinés à une vingtaine dans un petit van, les sacs d’écoles sur le toit. La promiscuité s’apprend dès le plus jeune âge ! Au milieu des nombreux chiens errants, une moto passe, avec 5 personnes dessus. Nous verrons très vite qu’ici un véhicule est plein quand le capot est également rempli et qu’il n’y a plus la moindre poignée où s’accrocher par la main, ce qui donne des spectacles étonnants. La misère et la saleté sont d’emblée présentes partout, et le brouillard qui recouvre constamment Delhi ajoute à la tristesse d’une ville abasourdie que seul un concert ininterrompu de klaxons semble sortir un peu de sa torpeur.
Notre logeur nous propose un taxi gratuit pour aller prendre des infos à l’office du tourisme… bien évidemment, notre course s’arrêtera dans une agence de voyages que nous préférerons gentiment quitter. Java nous ayant servi de leçon, nous prendrons notre temps pour nous décider ; ce qui se fera dans l’agence suivante, c’est-à-dire une heure plus tard ! Impossible de rejoindre l'office du tourisme officiel ; on atterrit toujours ailleurs et Delhi est une ville où il est impossible de marcher ou de se repérer. Comme un syllogisme, on ne peut pas faire confiance à ceux qui nous disent constamment de nous méfier des autres ! Nous resterons donc prudents.
Au vu de notre balade en centre-ville, ou devrions nous dire en centre bidonville, la traversée du Rajasthan en routard avec deux enfants nous semble peu envisageable. Nous optons donc pour une voiture avec chauffeur. Le circuit est à peu près établi, mais aucune réservation n’est faite donc nous restons libres. Nassim sera donc notre guide pour les 3 prochaines semaines. Le Taj Mahal, le tigre du Bengale, la ville rose de Jaipur ou bleue de Jodhpur, mais aussi le marché aux chameaux et l’exploration du désert nous laissent rêveurs… nous avons hâte !
Nos 48 heures passées à Delhi auront suffi pour nous immerger dans ce pays aux mille facettes que la pollution et la pauvreté façonnent au fil des étalages nauséabonds bordant les amoncellements de déchets que les vaches broutent paisiblement. Nous sommes surpris par la vacuité de cette capitale. Déroutante, Delhi nous ouvre les portes d’un monde nouveau que notre sensibilité devra apprivoiser.
Nous commençons notre initiation culturelle par la tombe d’Humayun, ou plus communément appelée le petit Taj Mahal puisqu’elle inspirera Shah Jahan dans son œuvre. Nous sommes sous le charme de cette architecture moghol. L’éclat des marbres blancs venants effleurer la chaleur du grès rouge nous enivre d’une émotion paisible. Le charme opère à merveille et les grands aigles qui survolent le site ajoutent encore du cachet à la visite du parc où gambadent joyeusement de nombreux écureuils. En sortant, un charmeur de serpent nous laisse admirer un superbe cobra au teint gris et au regard menaçant.
Nous irons explorer, dès le lendemain, le Fort Rouge et La Mosquée de Jama Masjid. Notre rickshaw traversera une petite partie du marché local, où les feux de la décharge publique limitrophe viendront accentuer les odeurs épicées. Notre odorat mis en éveil, nous gravissons les quelques marches pour accéder à la plus grande mosquée de l’Inde. Malheureusement, nous ne serons pas émus par ce lieu envahi de fils électriques, de dalles délabrées et de pèlerins mercantiles.
Nous n’aurons que quelques mètres à faire pour rejoindre l’entrée du fort dont l’extérieur est juste somptueux. Le mur d’enceinte, d’un rouge flamboyant, mesure 33 mètres du côté de la citadelle et 16 mètres du côté du fleuve. Cette architecture imposante laisse imaginer la beauté des bâtiments intérieurs que le premier ministre investit chaque 15 août pour faire son allocution sur l’indépendance de l’Inde. Nous pénétrons dans cette forteresse, l’imaginaire en éveil, prêt à rencontrer les grands Maharadjas d’autrefois. Mais le site n’est plus qu’un pâle reflet peu restauré de sa magnificence passée. La prestance n’est plus et les couleurs affadies ne nous permettent pas d’apprécier le lieu à sa juste valeur.
Notre journée se terminera par le Lotus Temple, avant lequel nous aurons fait un bref arrêt au mémorial de Gandhi (voir Gandhi vu par Titouan). Architecturé telle une fleur de Lotus, ce temple est un lieu de prière et de recueillement. Sa beauté est indéniable et l’atmosphère brumeuse de fin d’après-midi rend le spectacle magnifique. Nous approchons au milieu d’une foule d’Hindous. Il est évident qu’en Inde nous ne serons jamais seuls ! À l’approche du temple, nous devrons ôter nos chaussures et poursuivre nu-pieds jusqu’à l’entrée de la salle centrale, cœur du lotus. Nous attendrons de pouvoir entrer dans un vacarme et une bousculade qui ne laisse pas imaginer que les pèlerins viennent ici prier ! Les notions de respect ne sont pas universelles et nous essayons de nous adapter à cette promiscuité si peu commune en occident.