Un voyage autour du monde est l'occasion d'étonnements et de refléxions. La rubrique "pensées vagabondes" est ici pour partager la dimension philosophique de notre aventure. Les évenements, monuments et situations rencontrées sont prétexte à des articles sur nos regards et sur nos vies, sur l'Homme et toutes ses bizzareries...
Profitez un maximum
Manu -
début août 2012
Situation : avant le départ - Lascours (13)
Lorsque l’on part en voyage, beaucoup vous donnent ce conseil pernicieux « profitez un maximum ». L’intention est généreuse, mais le conseil n’est pourtant pas des meilleurs.
La recherche du profit maximal est dévastatrice, en voyage comme en économie. C’est elle qui assure le passage de l’objet bien fait qui a un prix à une masse de biens dont le prix de vente ne correspond à aucune réalité tangible. Cette déviation de l’esprit qui façonne le monde moderne affecte l’univers du voyage quand il s’agit de « profiter au maximum » des avantages des économies locales ou quand ces dernières veulent
exploiter le filon touristique jusqu’à la moelle. Le problème est que cette quête affecte tout autant ceux qui cherchent à tout avoir au moindre prix, créant ainsi une offre de biens sans valeur, que les producteurs et financiers qui veulent tirer un bénéfice maximum de leurs activités. Il appartient donc à chacun, quel que soit son rôle dans le système, de substituer à cette course sans fin la volonté d’un profit raisonnable au sein d’une économie raisonnée qui ne sacrifie ni l’environnement ni les hommes sur l’autel des bénéfices. D’où vient qu’on en soit arrivé là s’explique aisément dans le cadre des théories utilitaristes. Comment en sortir ne peut passer que par une volonté éthique s’appliquant autant aux actionnaires qu’aux consommateurs de base. Prélever ce qu’il faut, mais pas plus. Acheter et vendre au juste prix, celui où il n’y a ni perdant ni gagnant dans la transaction. A l’idée du « toujours plus », opposer celle du « un peu moins, mais un peu mieux ».
La caricature du profit maximum en voyage s’exprime dans l’image de ces cars de touristes déversés dans un lieu pour en exploiter les ressources (tout voir en un minimum de temps et à prix serré) avant de repartir sans avoir eu l’occasion de se poser simplement pour apprécier d’être là. Ils repartent alors, repus sans jamais être comblés, frustrés non par la réalité, mais par la croissance exponentielle de leurs désirs. L’abondance est tout autant le résultat d’une augmentation de ses ressources que d’une diminution de ses envies. Épicure rejoint une idée chère à Siddhârta Gautama sur ce point quand il dit : « celui qui ne sait se contenter de peu ne sera content de rien ».
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