Un voyage autour du monde est l'occasion d'étonnements et de refléxions. La rubrique "pensées vagabondes" est ici pour partager la dimension philosophique de notre aventure. Les évenements, monuments et situations rencontrées sont prétexte à des articles sur nos regards et sur nos vies, sur l'Homme et toutes ses bizzareries...
Temps et voyage
Manu -
mai 2013
Situation : Chili
Le temps, c’est de l’Univers qui s’étend, indéfiniment…
Mais de l’espace courbe où le temps n’est pas linéaire, mais relatif à une position, une vitesse, un éloignement ; merci Einstein d’avoir introduit autant de bazars dans notre conception du temps qui s’écoule. Il cache bien son jeu ce coquin rythmé par l’horloge atomique, seconde après seconde, calé tant bien que mal sur la rotation de la terre sur elle-même et autour du soleil. Un tremblement de terre au Chili, en février 2007, a été si intense et si long que la rotation de la Terre en a été affectée (l’axe de rotation de la Terre a bougé de 8 cm). La journée s’en sort raccourcie de quelques millionièmes de seconde, soit pas grand-chose, mais quand même. Ce temps que l’on croit si stable, si réel, n’est qu’une approximation sociale pour conjurer notre exclusion du temps universel, l’éternité. Le temps n’existe que face à la mort, pour ceux dont « le temps est compté ». La vie, elle, ne connait que l’instant, l’instable, le renouveau. Mais s’il l’on considère maintenant que la lumière du soleil met 8 minutes pour nous parvenir, il faut se rendre à l’évidence que notre présent est éclairé par une lumière du passé, et ne cesse de se tourner vers un futur qu’il cherche en vain à rattraper. De là, nous pourrions presque convenir que le Temps, ce que l’on nomme le temps, celui après lequel on coure, est, avant toutes choses, une sensation.
Le temps, c’est de l’espace qui s’ouvre devant l’être…
Si ce qu’on appelle le quotidien se renouvelle dans une sorte de stabilité confinant au statique, son rythme lancinant le distingue de l’évènement, qui lui distord le temps, l’étire dans la brièveté. Le propre de l’urgence, c’est justement de ne pas durer très longtemps. Le quotidien, lui, a le mérite de l’automatisme, et ouvre de ce fait des espaces pour penser et agir en libérant légèrement des contingences. Pas de question à se poser sur la banalité ; on sait où est rangé le café, où et quand prendre sa douche. On ne se pose pas la question de savoir où l’on va dormir ce soir. Les habitudes libèrent l’esprit comme la bipédie libère la main. Mais elles sont aussi la prison la plus subtile de l’être qui s’y englue. Le voyageur perd inévitablement cet aspect de sa vie et de son temps. Rien des lieux et des choses n’est familier. Tout le quotidien est à reconstruire chaque jour, où dormir, que et où manger, où trouver le nécessaire (ou comment s’en passer), etc. Cette part du voyage (étant entendu que l’on ne parle pas ici de voyages organisés) est chronophage au possible, mais elle fait aussi partie du voyage de celui qui déambule dans les magasins locaux, véritables observatoires du social.
Le voyageur est celui qui consacre son temps à l’espace
Qui dit voyage dit transports, de nombreux transports, parfois très longs ; sans dire les attentes. Le voyageur que l’on imagine en mouvement est souvent coincé à attendre… un bus, un avion. Le temps en voyage est parfois interminable, s’allongeant à n’en plus finir ; et parfois si bref, si laconique quand un paysage incroyable se dévoile pour quelques instants seulement par la fenêtre du bus qui trace sa route. Les autres passagers ne regardent plus, ils sont d’ici, ils connaissent. Le voyageur est celui qui est surpris tel un innocent qui découvre la vie. Il jubile, s’extasie, parce que ce qu’il voit, il ne le verra pas deux fois, parce son temps n’est pas celui de la répétition, il est celui de la découverte, de l’inédit. Son temps, c’est de l’espace à parcourir, un espoir à assouvir. Son temps, c’est de l’ailleurs, et être ailleurs, ça prend du temps. Le vacancier n’est pas le voyageur, car ce dernier n’est pas en vacances. Il ne cherche pas le vide, le repos, le farniente. Il n’a souvent pas le temps de se reposer s’il veut avancer dans sa quête, emplir son être de la beauté du monde, aller à la rencontre des lieux et des êtres. Non pas qu’il soit pressé. Il a tout son temps… mais son temps c’est de l’espace, distendu, incontrôlé, furtif, jusqu’à parfois vivre l’essence du voyage, quand toute notion de temps disparaît devant le simple plaisir d’être là et nulle part ailleurs, à s’emplir de la plénitude d’un lieu ou d’un instant qui vaut le détour, quand le temps s’affranchit de l’espace pour ne laisser que l’éternité de l’instant présent.
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