Un voyage autour du monde est l'occasion d'étonnements et de refléxions. La rubrique "pensées vagabondes" est ici pour partager la dimension philosophique de notre aventure. Les évenements, monuments et situations rencontrées sont prétexte à des articles sur nos regards et sur nos vies, sur l'Homme et toutes ses bizzareries...
Sur les traces des princes de Serendip
Manu -
13-Mai-2012
Situation : avant le départ - Aubagne (13)
Les trois princes de Serendip est un vieux conte Persan de 1302 racontant l’histoire de jeunes héritiers voyageant à travers le monde (voir ci-dessous un extrait). Horace Walpole s’est inspiré de ce conte en 1754 pour créer le concept de serendipité : « tandis que leurs altesses voyageaient, elles faisaient toute sorte de découvertes, par accident et sagacité, de choses qu’elles ne cherchaient pas du tout : par exemple, l’un des princes découvre qu’une mule borgne de l’œil droit vient de parcourir cette route, parce que l’herbe n’a été broutée que sur le côté gauche, où elle est moins belle qu’à droite ».
La serendipité est ainsi définie comme la possibilité de tirer partie de l’inattendu, celle qui fait défaut aux voyages (toujours trop) organisés. En voyage comme en sciences, la serendipité est l’occasion de découvertes, de digressions, de détours. Elle permet de prolonger un instant béni, de comprendre beaucoup à partir d’indices ou de guetter ce qui peut sortir de meilleur d’un imprévu fâcheux. Le hasard joue d’ailleurs une grande place dans l’histoire des sciences, pourvu toutefois qu’un esprit attentif sache en tirer parti plutôt que de pleurer sur l’évènement.
Cette idée de Serendipité est une des plus belles qui puisse accompagner un voyage : trouver en chemin ce que l’on ne cherchait pas en partant.
« Les aventures des trois princes de Serendip contées par Louis de Mailly ont été publiées originellement en 1719. Ces contes reprennent en partie une édition italienne de 1557 qui est elle-même une adaptation de contes anciens orientaux, l'une des sources principales étant Les huit paradis (Hasht Bihist) du poète indien Amir Khusrau, datant de 1302 » (Extrait du site des éditions Thierry Marchaisse publiant l’ouvrage : voir la page).
A partir d'ici :
NB : Ce texte est un fragment résumé du conte Les pérégrinations des trois fils du roi de Serendip d'Amir Khusrau, un grand poète persan. C'est le premier conte de son recueil Hasht Bihist (Les huit Paradis, 1302).
Les trois fils du roi de Serendip refusèrent après une solide éducation de succéder à leur père. Le roi alors les expulsa.
Ils partirent à pied pour voir des pays différents et bien des choses merveilleuses dans le monde. Un jour, ils passèrent sur les traces d'un chameau. L'aîné observa que l'herbe à gauche de la trace était broutée mais que l'herbe de l'autre côté ne l'était pas. Il en conclut que le chameau ne voyait pas de l'œil droit. Le cadet remarqua sur le bord gauche du chemin des morceaux d'herbes mâchées de la taille d'une dent de chameau. Il réalisa alors que le chameau pouvait avoir perdu une dent. Du fait que les traces d'un pied de chameau étaient moins marquées dans le sol, le benjamin inféra que le chameau boitait.
Tout en marchant, un des frères observa des colonnes de fourmis ramassant de la nourriture. De l'autre côté, un essaim d'abeilles, de mouches et de guêpes s'activait autour d'une substance transparente et collante. Il en déduisit que le chameau était chargé d'un côté de beurre et de l'autre de miel. Le deuxième frère découvrit des signes de quelqu'un qui s'était accroupi. Il trouva aussi l'empreinte d'un petit pied humain auprès d'une flaque humide. Il toucha cet endroit mouillé et il fut aussitôt envahi par un certain désir. Il en conclut qu'il y avait une femme sur le chameau. Le troisième frère remarqua les empreintes des mains, là où elle avait uriné. Il supposa que la femme était enceinte car elle avait utilisé ses mains pour se relever.
Les trois frères rencontrèrent ensuite un conducteur de chameau qui avait perdu son animal. Comme ils avaient déjà relevé beaucoup d'indices, ils lancèrent comme boutade au chamelier qu'ils avaient vu son chameau et, pour crédibiliser leur blague, ils énumérèrent les sept signes qui caractérisaient le chameau. Les caractéristiques s'avérèrent toutes justes.
Accusés de vol, les trois frères furent jetés en prison. Ce ne fut qu'après que le chameau fut retrouvé sain et sauf par un villageois, qu'ils furent libérés.
Après beaucoup d'autres voyages, ils rentrèrent dans leur pays pour succéder à leur père.